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21/02/2016

Robert J. Gordon : "la croissance est derrière nous"

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Paru le 27/01, son livre "est parti pour être le best-seller économique de l’année" (Le Monde Economie - 21/02). Plusieurs leçons s'en dégagent, et devraient nous pousser à une rupture libératrice :


 

  

Le fait est là, disent les économistes qui ne restent pas rivés au dogme néolibéral [1] : aux Etats-Unis, au Japon et en Europe, la croissance fléchit depuis trente ans. Ce déclin structurel vient de quatre causes :

le sous-investissement chronique, lié au délire de spéculation boursière et d'actionnariat qui est le propre de l'ultralibéralisme [2] ;

la hausse inouïe des inégalités, liée elle aussi au système économique dominant comme le souligne Laudato Si'  [3] ;

le vieillissement de la population, lié au système économique dès l'origine (Malthus fut l'un des founding fathers du libéralisme) ;

le faible impact économique du progrès des « technologies ». Selon Gordon, cette « troisième révolution industrielle » ne concerne que deux secteurs « étroits » : l'entertainment et l'info-com', qui ne pèsent ensemble que 7 % du PIB américain. La « grande rupture » (disruption) de la révolution digitale a lieu depuis les années 1990, mais la productivité globale ralentit quand même...

« Le tassement des salaires réels et le vieillissement de la population se traduiront par des rentrées fiscales moindres et par une pression à la hausse des dépenses sociales et de retraite », annonce par ailleurs Gordon : « cela entraînera une hausse de la dette publique. Ou alors, un relèvement des impôts et une baisse des prestations sociales. »

Cette tendance affecte aussi le Vieux Continent, ce qui jette un éclairage singulier sur le guignol politique français : en particulier sur la droite, qui  feint de croire que tout cela est de la faute du «  socialisme » ; et sur l'obsession croissanciste de tous les partis (dont les deux FN [4]), ainsi que sur les cadeaux incessants au Medef – dont un cas-limite est la réforme Valls-Macron-Hollande dite « El-Khomri ».

Quand les Français ouvriront-ils les yeux ? La véritable destruction créatrice, la seule rupture positive, serait de rejeter le productivisme et le turbo-capitalisme. Les catholiques devraient être les premiers à s'en rendre compte : depuis des décennies les papes le leur disent sur tous les tons !

J'ai joué de la flûte sur la place du marché

Et personne avec moi n'a voulu danser...

 

_______________

[1]  Parmi ceux qui restent rivés, on regrette de compter les « économistes catholiques » de l'Hexagone.

[2]  cf l'analyse d'économistes comme Kostas Vergopoulos (Paris-VIII) et Bernard Guilhon (Skema Business School Lille) – citée ici et dans La révolution du pape François (Artège).

[3]  Le « rêve américain » n'exalte plus que les présentateurs télé français. « Il a du plomb dans l'aile depuis une trentaine d'années, avec la hausse des inégalités et l'érosion des revenus réels. Pour les jeunes générations, la possibilité d'atteindre un niveau de vie plus élevé que celui de leurs parents n'existe plus. La société américaine est fracturée avec, en bas, des familles monoparentales, dont les enfants bénéficieront d'une éducation médiocre et pour lesquels les chances d'ascension sociale sont limitées » (Robert J. Gordon). Le rôle de la pression de l'économie ultralibérale dans la dislocation des familles n'est plus à démontrer.  Il est connu depuis les années 1990 : cf. Le nouvel esprit du capitalisme (Gallimard 1999) de Boltanski-Chiapello... qui ont établi cette corrélation sans le vouloir, ce qui ajoute à la valeur de leur démonstration.

[4] celui de MLP, en plein glissement vers la droite libérale dans l'espoir de briser le « plafond de verre » ; et celui de MMLP, libérale vintage malgré sa jeunesse, et pressée par son entourage de créer un FN-bis ajusté à la clientèle azuréenne.

 

Commentaires

Cher PP

> En écho à votre note 1, comment peut-on se dire "économiste catholique" ?
Économiste est un métier. Il y a des économistes dans les entreprises, les universités, les syndicats, les organismes internationaux comme l'OCDE ; ils analysent, enseignent, conseillent.
Parle-t-on d'architecte catholique, de médecin catholique ou de garagiste catholique ?
Ne devrait-on pas dire s'agissant d'un praticien qui met sa religion en avant : catholique économiste, catholique médecin ou catholique garagiste ?
A vous lire.

JR Larnicol


[ PP à JRL:
- Bien d'accord avec vous.
- Par opposition à cette dérive, notons que les "Assises chrétiennes de l'écologie" ont veillé à ne pas s'intituler "Assises de l'écologie chrétienne" ! (Ce qui montre, de la part des chrétiens en écologie, une humilité et un sens du bien commun dont manque l'intitulé "économistes catholiques".
- C'est d'autant plus vrai que la doctrine sociale de l'Eglise se présente comme une proposition à tous, chrétiens ou non, sur la base de la condition humaine partagée. Le label 'économistes catholiques" ne sonne pas très DSE...
- A entendre certains "économistes catholiques", on a l'impression que ce ne sont pas des catholiques engagés dans l'économie... mais des agents de l'orthodoxie économique libérale, qui contredisent le magistère (avec une pointe de condescendance) quand il se risque à critiquer la pratique économique contemporaine.
- Les "économistes catholiques" sont donc doublement en porte-à-faux :
a) leur intitulé revendique le label "catholique", ce qu'il ne faudrait pas faire ;
b) mais quand ils présentent les positions de l'Eglise dans des colloques ou des articles, leurs thèses pèchent par atténuations, par omissions, voire par divergences plus ou moins affirmées.
Mais peu de catholiques français osent le faire remarquer, tant le poids sociologique (donc idéologique) de la bourgeoisie d'affaires s'est fait sentir dans l'Eglise de ce pays, depuis une vingtaine d'années... ]

réponse au commentaire

Écrit par : JR Larnicol / | 21/02/2016

SI

> Le FN "en plein glissement vers la droite libérale dans l'espoir de briser le plafond de verre".
Les programmes sont à géométrie variable selon les urgences électorales.
Dérive fonctionnelle !
Si seulement cela pouvait instruire les cathos de droite sur le fonctionnement des partis.
Mais pour encore beaucoup d'entre eux, être libéral n'est pas une dérive : c'est la position de "la France bien élevée" comme ils disaient en 2013.
______

Écrit par : Alain Barbier / | 21/02/2016

ROBERT J. GORDON ET LA CONFÉRENCE DE CARÊME DE NOTRE-DAME DE PARIS

> Si je souscris aux conclusions de ce monsieur (l'économie va décroitre), je pense qu'il se trompe sur la cause principale qui est plus liée à la réduction de production, et donc de consommation d'énergie (nous sommes sans un monde fini et donc toute ressource non renouvelable s'épuise). Je vous renvoie sur le document de JM Jancovici http://www.manicore.com/fichiers/transition_energetique_reflexions.pdf (en particulier la page 4 pour les personnes pressées).
qui montre que la croissance de PIB mondiale est de 1% au dessus de la croissance de la consommation (mondiale) d'énergie. comme la production mondiale d'énergie plafonne, la croissance patine. quand elle descendra (bientôt), la croissance va baisser...
PS : voir aussi la très belle conférence de carême sur la "Y a-t-il un sens à parler de culture d'entreprise?" qui soulève toute une série d'alertes sur les dérives du capitalisme, et sa culture de mort (se rapprochant un peu de ce que dit Mr Gordon) http://www.franceculture.fr/emissions/conferences-de-careme-catholique/la-culture-contemporaine-2#
Cdt,
______

Écrit par : bergil / | 22/02/2016

JANCOVICI

> Selon la théorie que professe depuis des années M. Jancovici, la croissance est directement liée à l'énergie disponible. Chiffres à l'appui depuis 1980, l'énergie disponible par terrien est en a une croissance quasi nulle, alors qu'elle était en augmentation très forte durant les 30 glorieuses. Celle-ci reposait essentiellement sur les énergies carbonées qui sont beaucoup moins chères que les autres (y compris celles renouvelables). Pour ce qui est du pétrole, la quantité disponible par terrien est en baisse depuis les années 80.
Donc continuer à vouloir bâtir l'économie sur la modèle basée sur la croissance nous emmène dans le mur, car il n'y a plus de croissance d'énergie (l'énergie est assimilable à un "esclave" : un homme à une capacité énergétique limitée, autrefois il y avait le recours à des esclaves pour augmenter sa capacité, le monde moderne a apporté l'énergie fossile facilement accessible "moins chère" [la fin de l'esclavagisme serait surtout due aux machines...] ; cela n'est plus vrai).
Une petite vidéo (courte: 6 min) qui présente 3 graphes : http://www.dailymotion.com/video/x2pqe5w_jean-marc-jancovici-le-prix-reel-de-l-energie-renouvelable_news
Pour ceux qui disposent de plus de temps (1h) je conseille :
https://www.youtube.com/watch?v=P7DY6wqRNfk
(présentation faite au sénat début 2012 [qu'on ne dise pas nos politiques ne sont pas informés : ils nient l 'information qui ne leurs plait pas] mais n'a pas perdu d'actualité, ne pas louper les remarques à la fin sur le grand Paris).

franz


[ PP à Franz - La faille de la position de Jancovici est de ne pas aller jusqu'au vrai problème : le modèle économique énergivore et l'urgence de le remplacer par un autre. ]

réponse au commentaire

Écrit par : franz / | 28/02/2016

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